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Culture et climat : diversifier, c’est la clé

  Thierry Juszczak et Alice Santin ont présenté les résultats de simulations de l’impact du changement climatique sur différents systèmes de culture dans le Barrois. Photo : Agathe Legendre.
Thierry Juszczak et Alice Santin ont présenté les résultats de simulations de l’impact du changement climatique sur différents systèmes de culture dans le Barrois. Photo : Agathe Legendre.

L’adaptation des systèmes de cultures au changement climatique, était au menu du colloque de clôture du programme ACSE 2020-2022 piloté par les Chambres d'agriculture. Il en ressort un mot-clé : diversifier.

Air, climat, sol, énergie : ce sont les quatre thématiques explorées par le programme ACSE, piloté par le réseau des Chambres d’agriculture du Grand Est, Planète légumes et Alizé, avec le soutien de la région Grand Est, l’ADEME, et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

«Le changement climatique est un sujet majeur et même existentiel pour l’agriculture», affirmait Maximin Charpentier, président de la CRAGE, en introduction du colloque de clôture du programme ACSE, le 31 janvier à Villers-lès-Nancy. «Toutefois, si le sujet est important, il ne faut pas le prendre avec une trop grande gravité, au risque de baisser les bras. Nous devons préparer notre avenir, assembler et analyser des données, leur donner du sens, pour trouver petit à petit des solutions», estimait-il. Des informations et des pistes de réflexion, les livrables du programme ACSE en regorgent, que ce soit par rapport à la qualité de l’air, la méthanisation, la qualité des sols et l’impact de certaines pratiques sur leur fertilité ou encore l’adaptation de l’agriculture du Grand Est au changement climatique.

Modéliser pour se préparer

À ce sujet, les partenaires du programme ont utilisé le modèle STICS, pour simuler les performances de différents systèmes de culture à l’horizon 2050, dans quatre petites régions agricoles du Grand Est : le Barrois, la Champagne crayeuse, le plateau lorrain et la région de la Hardt et du Ried. «En plus des rendements moyens, ce modèle caractérise également la variabilité interannuelle, explique Paul Van Dijk, ingénieur méthodes et références pour la CRAGE. En revanche, il ne prend pas en compte les risques de maladies et ravageurs». Pour l’instant, seuls les résultats pour le Barrois sont disponibles.

Cette petite région agricole est caractérisée par des sols argilo-calcaires superficiels, à faible réserve hydrique. «Nous sommes partis d’une rotation culturale colza-blé-orge, dans laquelle l’orge est deux fois sur trois une orge d’hiver et une fois sur trois une orge de printemps, précédée d’une culture intermédiaire. En effet, c’est un système fréquemment rencontré dans le Barrois. C’est à ce système que nous comparons les potentiels systèmes adaptés au changement climatique», explique Thierry Juszczak, chargé de mission innovation recherche développement et climat à la Chambre d’agriculture de la Meuse.

Ainsi, deux systèmes dit «adaptés» ont été simulés. Le premier intègre du tournesol à la rotation, en remplacement de 50 % des surfaces en colza. Une culture intermédiaire est mise en place entre la récolte de l’orge et l’implantation du tournesol. De plus, cette culture donne accès au niveau 1 de l’éco-régime. Enfin, 50 % des orges de printemps sont semées à l’automne «afin d’esquiver la période de sec au printemps et d’allonger le cycle», indique Alice Santin, conseillère en grandes cultures à la Chambre d’agriculture de l’Aube. Le deuxième système simulé, intègre, en plus des adaptations du premier système, du pois de printemps. Cette culture vient remplacer un cinquième des surfaces de colza restantes. «Le pois apporte de l’azote par fixation symbiotique et permet d’accéder au niveau 2 de l’éco- régime», ajoute la conseillère. Ces systèmes ont été choisis car ils peuvent être adoptés assez simplement dans les exploitations du Barrois.

Le tournesol tire son épingle du jeu

Les rendements de ces deux systèmes ont été simulés sur vingt ans, à la fois pour un climat historique, sur une période allant de 1986 à 2005 et pour un climat dans le futur proche, de 2031 à 2050. Dans cette période, la température moyenne annuelle augmenterait de 0,81°C par rapport à celle du climat historique. Le cumul des précipitations resterait équivalent, mais elles seraient moins abondantes entre avril et juin, tout comme entre octobre et décembre. En revanche, elles augmenteraient de juillet à septembre.

«Dans le futur, seul le tournesol s’en sort mieux, avec des gains de rendement moyens, malgré un variabilité toujours importante. Toutes les autres cultures voient leurs rendements diminuer, notamment pour les cultures de printemps», détaille Alice Santin. En effet, le rendement moyen de l’orge de printemps passe de 54 à 46,7 q/ha et le pois de printemps de 25 à 21,2 q/ha. Les rendements moyens des céréales d’hiver sont, quant à eux, peu impactés, mais «la variabilité pour ces cultures augmente très fortement», indique la conseillère.

Un des systèmes proposait de semer l’orge de printemps à l’automne, car le gel hivernal deviendrait plus rare à l’avenir. Si cette modalité présente dans les simulations des rendements plus élevés que la modalité semée au printemps, dans quatorze années sur vingt, elle ne serait pas pour autant sans risque. En effet, selon les simulations, l’orge semée au printemps gèle quatre années sur vingt. 

Meilleure marge pour les systèmes diversifiés

En plus des résultats agronomiques, les performances technico-économiques et environnementales du système ont également été évaluées, grâce à l’outil Systerre. Sans grande surprise, la balance globale azotée et les Ift des systèmes dit adaptés, intégrant du tournesol, sont meilleurs que ceux du système dit initial, colza-blé-orge. En ce qui concerne les résultats économiques, pour la période 2031-2050, les marges directes de tous les systèmes diminuent par rapport à celles potentiellement dégagées sous le climat de la période 1986-2005. Toutefois, les systèmes diversifiés s’en sortent mieux.

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