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L’agriculture, secteur stratégique

Sébastien Abis : «les agriculteurs sont les premiers contributeurs à la paix dans le monde». Photo : A. H.
Sébastien Abis : «les agriculteurs sont les premiers contributeurs à la paix dans le monde». Photo : A. H.

«L’agriculture est-elle un secteur d’avenir : oui, car les agriculteurs sont les premiers contributeurs à la paix dans le monde», a déclaré Sébastien Abis, directeur du Club Demeter, invité à s’exprimer sur les conséquences du COVID et de la guerre en Ukraine, lors de l'assemblée générale d'EMC2, le 29 avril. Selon lui, les agriculteurs méritent de recevoir le prix Nobel de la paix, «car des estomacs vides engendrent le chaos et le désordre».

La deuxième raison, est que «l’agriculture a, plus que d’autres secteurs, un effet de levier pour protéger, mais aussi réparer la planète», alors que «le monde va devoir changer sa façon de vivre et de consommer». Enfin, parce que l’agriculture «est la meilleure assurance de vivre en bonne santé et le plus longtemps possible», soutient l’intervenant.

L’insécurité alimentaire a déjà augmenté avant le COVID, se nourrir est «le premier souci pour un tiers de l’humanité», explique Sébastien Abis. Or, les prix de l’alimentation s’emballent depuis deux ans, et plus encore avec la guerre en Ukraine. «6 à 7 Mt de blé et 15 à 17 Mt de maïs sont bloquées dans les ports», avec des possibilités de sortie limitées, même si la guerre s’arrête. Face à un risque accru d’insécurité alimentaire, Sébastien Abis appelle «à plus de conseil et de coopération, plutôt que cultiver le chacun pour soi».

Produire dans l’UE

La Russie veut devenir numéro un mondial des céréales, avec une vision «d’arme alimentaire», explique l’intervenant, également chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Alors que l’UE pratique une géopolitique «positive», et a «arrêté d’accélérer sur la production».

Dans ce contexte tendu, Sébastien Abis «doute» que la PAC «pourra entrer en vigueur en 2023». Le COVID et le conflit en Ukraine ont provoqué «un brutal réveil», et relancé la nécessité de produire dans l’UE. Si le chercheur ne conteste pas le Green Deal, il invite l’UE à «garder une capacité stratégique dans les secteurs déterminants», dont l’agriculture. Et à «cultiver la force européenne par l’agriculture, en quantité, en qualité, en diversité, et notre modèle social».

Si les consommateurs ont longtemps été «les premiers gagnants de la PAC», «ce temps là commence à être fini». «Ce qui a une valeur vitale doit être payé au juste prix». Selon lui, «le gouvernement a fait bouger le curseur depuis deux ans, produire n’est pas tabou». Mais il met en garde contre un risque de descente en gamme de l’alimentation, et de division de l’UE.