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Rapport Duplomb : La ferme France en perte de compétitivité

Laurent Duplomb : « si des rayons sont vides, la conscience globale pourrait rapidement s’éclairer ». Photo A.H .
Laurent Duplomb : « si des rayons sont vides, la conscience globale pourrait rapidement s’éclairer ». Photo A.H .

Co-auteur d'un rapport sur la perte de compétitivité de l’agriculture française, le sénateur Laurent Duplomb était en visite en Meuse, le 7 décembre. Au delà d'un état des lieux alarmiste, il propose aussi des pistes pour inverser la tendance.

Invité par Franck Menonville, son homologue au sénat, Laurent Duplomb a eu un parcours assez atypique. Fils d’ouvrier métallurgiste, il est devenu exploitant suite à son mariage avec une fille d’agriculteur.  Installé avec son épouse et un fils dans un village de Haute-Loire, sa passion pour l’agriculture l’a amené à s’engager dans la défense du métier, d’abord chez les JA dont il sera président départemental pendant six ans, puis à la Chambre d’agriculture pendant quatre ans. Un engagement qui s’est prolongé dans la politique, et l’a conduit au Palais du Luxembourg en 2017, sous l’étiquette Les Républicains.

Excès de charges et surtransposition

Après une présentation de l’agriculture meusienne par Xavier Arnould, vice-président de la Chambre d’agriculture, Laurent Duplomb est revenu sur son travail à la commission des affaires économiques du Sénat.  En 2019, il avait déjà écrit un premier rapport, « La France un champion agricole mondial, pour combien de temps encore ? », qui alertait sur une agriculture « en phase de déclin ». « En 2022, j’ai voulu aller plus loin dans le diagnostic, et dresser des pistes de redressement, surtout sur la compétitivité » a-t-il expliqué, devant un auditoire agricole réuni à l'Epl Agro à Bar-le-Duc.  Ce qui  a donné lieu à un nouveau rapport, réalisé avec deux autres sénateurs, Pierre Louault (Union Centriste) et Serge Mérillou (PS).

Selon ce rapport, la perte de compétitivité de l'agriculture française s’explique en grande partie par les charges excessives qui pèsent sur les exploitations. Il cite en particulier le coût de la main d’œuvre, « 1,5 fois plus élevé qu’en Allemagne, 1,7 fois plus qu’en Espagne, et 7 fois plus qu’en Pologne ». Produire un kilo de pommes coûterait ainsi 3 fois plus cher en France qu’en Pologne. Ce qui explique « la baisse de moitié des exportations françaises ». Il ajoute à cela « une suradministration énorme », et une « surtransposition catastrophique des règles européennes » , entraînant « des impasses techniques colossales ». Ce qui expliquerait, par exemple, la baisse de la production de moutarde et de lentilles vertes du Puy. De même, le recul de l’élevage ne viendrait pas seulement d’un problème de prix des produits, mais « de la charge de travail et surtout de l’usure psychologique ».

« Il faut détendre la situation »

Laurent Duplomb reconnait qu’il n’a « pas la langue dans sa poche » ; il dénonce aussi « la guerre des prix effrenée » que se livrent les GMS, évoquant même « des pratiques mafieuses », qui conduit « à l’appauvrissement  de l’agroalimentaire » ; il pointe aussi « un Etat de moins en moins protecteur », en référence aux accords de libre-échange, et un « climat médiatico-politique catastrophique ». Quant à la montée en gamme de l’agriculture, voulue par le président de la République,  il y voit « un mauvais calcul », du fait de produits trop chers pour la majorité de consommateurs, ce qui favoriserait les importations.

Voilà pour le constat, avec pour conséquence, un risque de perte de la souveraineté alimentaire pointé par le parlementaire. Côté solutions, le rapport propose une panoplie de mesures, réparties autour de cinq grand axes : « faire de la compétitivité un objectif politique prioritaire, en nommant un haut-commissaire ; maîtriser les charges de production ; relancer la croissance de la productivité en faisant de la France un champion de l’innovation dans le domaine environnemental ; conquérir les marchés d’avenir et reconquérir les marchés perdus, et protéger l’agriculture française de la concurrence déloyale ».

« Il faut détendre la situation, et arrêter les injonctions contradictoires », insiste Laurent Duplomb. Il place ses espoirs dans le projet de loi du gouvernement sur le nucléaire, qui pourrait conduire à un allègement de certaines règles. « Si on peut le faire pour l’énergie, pourquoi pas sur l’agriculture ?, interroge-t-il, si des rayons sont vides dans les supermarchés, la conscience globale pourrait rapidement s’éclairer », conclut le sénateur qui envisage de déposer une propostion de loi l’an prochain, « pour remettre un coup de pression ».

Laurent Duplomb : « si des rayons sont vides, la conscience globale pourrait rapidement s’éclairer ». Photo A.H . Un auditoire principalement agricole réuni à l’Epl Agro. Photo A.H.
Laurent Duplomb : « si des rayons sont vides, la conscience globale pourrait rapidement s’éclairer ». Photo A.H . Un auditoire principalement agricole réuni à l’Epl Agro. Photo A.H.