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Agriculteurs en difficulté : considérer l'aspect humain

L'intervention de Philippe Spoljar (2è de d à g) s'est poursuivie par une table ronde avec des représentants de la Chambre d'agriculture, de la Msa, et de Solidarités paysans Lorraine. Photo (A.H)
L'intervention de Philippe Spoljar (2è de d à g) s'est poursuivie par une table ronde avec des représentants de la Chambre d'agriculture, de la Msa, et de Solidarités paysans Lorraine. Photo (A.H)

Une conférence sur la problématique des agriculteurs en difficultés a mis en évidence la diversité des causes et des situations, et l’intérêt d’un accompagnement global et personnalisé, prenant en compte l’aspect humain.

L’association Solidarité paysans Lorraine (SPL) avait invité Philippe Spoljar, maître de conférence en psychopathologie  à l’université de Picardie, pour restituer son étude sur les problématiques des agriculteurs en difficultés et leur accompagnement, le 12 septembre à l’Epl agro à Bar-le-Duc. Réalisée à la demande des ministères de l’Agriculture et du Travail, elle est fondée sur une soixantaine d’entretiens avec des agriculteurs. Dix-sept ont été réalisés en Lorraine, en relation avec l’association SPL, dont dix par le chercheur, sous forme d'échanges  « peu directifs », a expliqué en préambule Philippe Spoljar.

« Cumul de facteurs »

Dans son étude, il a relevé « six contextes » en lien avec la situation d’agriculteur en difficulté : les conflits, « chaque agriculteur rencontré a fait état de conflits multiples, familial, avec l’environnement, agribashing... » ; la pluriactivité « contrainte » ; la perte d’autonomie, avec le sentiment « de ne plus avoir de contrôle sur l’exploitation et sur l’avenir » ;  la transformation très rapide du monde agricole, et un métier « qui devient plus abstrait, plus théorique » ;  la transmission, parfois « impossible », ou une « reprise contrainte » ; et enfin « l’isolement et la solitude », sources de souffrance, voire de pathologie.

Sur dix-sept cas ayant fait l’objet d’entretiens en Lorraine, « la question du suicide est apparue sept fois », a-t-il ensuite expliqué. Les causes conduisant à envisager une telle extrémité sont multiples, problèmes financiers, charge de travail... « Il n’y a pas une cause unique, mais un cumul de facteurs », souligne le chercheur, citant le cas d’un « éleveur modèle », qui n’avait aucune dette, mais était « en situation d’épuisement avancé».

Démarche globale

Les agriculteurs ont été interrogés sur l’accompagnement de l’association Solidarités paysans Lorraine. « Ils sont reconnaissants, mais peu ont décrit ce qui s’est passé réellement pour redémarrer », constate Philippe Spoljar. Il a néanmoins salué « une démarche globale », fondée sur « l’écoute», et empreinte de « sollicitude ».  Un accompagnement « sur mesure, souple et évolutif », car « les solutions proposées ne valent que si l’agriculteur peut se les approprier ».

Philippe Spoljar s’est aussi intéressé à la prévention du mal-être, et au rôle des « pratiques alternatives », axées sur l’environnement et la qualité. Il y voit un facteur de bonne santé mentale pour les agriculteurs, devenus des « paysans chercheurs », et leur permettant « d’être en cohérence avec soi-même et avec la société ».

L’intervention de Philippe Spoljar s’est poursuivie par une table ronde qui a réuni des représentants de la Chambre d’agriculture, de la Mutualité sociale agricole, et de Solidarités paysans Lorraine.

Philippe Spoljar : « pas une cause unique, mais un cumul de facteurs». Crédit : A.H.
Philippe Spoljar : « pas une cause unique, mais un cumul de facteurs». Crédit : A.H.